Prendre conscience de notre vulnérabilité est profondément libérateur. Se connecter à cette vulnérabilité c’est l’essence même du lâcher-prise. On réalise alors que l’on n’a pas le contrôle sur tout, et que la vie peut avoir des plans différents des nôtres. Accepter sa vulnérabilité c’est faire preuve de courage et s’engager pleinement dans la vie.
David Whyte, poète américain, illustre cela avec beauté dans sa méditation sur la vulnérabilité.
Il note tout d’abord la nature universelle de la vulnérabilité et l’importance de l’accepter.
Il souligne ensuite l’aspect temporaire et illusoire des sentiments de contrôle et de pouvoir.
Il dit :
La vulnérabilité n’est pas une faiblesse, une indisposition passagère, ou quelque chose dont on peut s’arranger sans. La vulnérabilité n’est pas un choix, elle est le sous-jacent, constant, et durable courant de notre état d’être naturel.
Fuir la vulnérabilité c’est fuir l’essence de notre nature, la tentative d’être invulnérable est la vaine tentative de devenir quelque chose que nous ne sommes pas, et surtout, de perdre notre capacité à comprendre le chagrin d’autrui.
Plus important encore, en refusant notre vulnérabilité nous refusons l’aide dont nous avons besoin à chaque détour de notre existence.
Avoir un temporaire, sentiment de pouvoir sur tous les évènements et circonstances de la vie, est un privilège illusoire et c’est peut-être la plus élaborée manifestation de la vanité humaine. Mais même ce privilège se perd avec la mauvaise santé, un accident, ou la perte d’une personne aimée. Dans tous les cas, le sentiment de pouvoir se perd lorsque nous approchons notre dernier souffle.
Selon David Whyte, le choix qui se présente alors à nous est de savoir si l’on va accueillir notre vulnérabilité et avec elle notre capacité à vivre pleinement ou bien l’ignorer en nous acharnant à croire que la vie a besoin d’être de telle ou telle façon pour que l’on puisse être satisfait et enfin profiter d’elle.
Le seul choix que nous avons en devenant plus mature, c’est de quelle façon nous allons habiter notre vulnérabilité. Allons-nous développer plus de courage et de compassion en devenant plus intimes avec la connaissance de notre état temporaire ?
Ou bien, à l’opposé, allons-nous nous plaindre, le coeur plein de peur face à notre fragilité et ne jamais vraiment vivre?
David de par son métier de zoologiste marin et naturaliste, a passé de longues périodes à observer le monde autour de lui. De cette observation attentive et présente, il a ressenti que la réalité se trouvait à la frontière entre soi et le monde, à la frontière entre le lâcher-prise et le contrôle.
Aux Galapagos, j’étais dans des états de profondes attentions, regardant pendant des heures les animaux, les oiseaux et les paysages… mon identité n’était plus liée à mes croyances, héritées ou construites, elle dépendait à présent du degré d’attention que je portais sur ce qui n’était pas moi.
En approfondissant, cette intention et cette attention, vous commencez à élargir et à approfondir votre propre sens de présence.
J’ai commencé alors à réaliser que la réalité se trouvait à la frontière entre ce que l’on pense être soi et ce que l’on pense n’être pas soi; que votre désir de ce que le monde devrait être ne se passera pas exactement comme vous le voulez.
Mais l’autre miracle, c’est ce que le monde désire de vous n’a aussi pas à se réaliser.
La réalité c’est cette rencontre, cette frontière.
L’être humain est fascinant. Nous avons la possibilité de bouger des montagnes, mais tout peut s’arrêter, un bête accident, du jour au lendemain.
Prendre conscience de l’inévitabilité de notre propre mort est indispensable pour vraiment commencer à vivre. Pourquoi? Car à trop vouloir contrôler, à se projeter, à vouloir la sécurité, à attendre d’être sûr que le futur soit acceptable pour se permettre d’être bien aujourd’hui, à vouloir tout cela, on passe à côté de la vie.
Vivre vraiment c’est accepter d’aimer ce que l’on a aujourd’hui, en sachant que l’on peut le perdre demain.
C’est de voir que notre liberté d’être, d’expérimenter, de créer n’est possible que parce que nous sommes vulnérables. Autrement nous serions tel un rocher invincible et immuable, mais dépourvu de la capacité de choisir.
Source: David Whyte, « On Being », conversation avec Krista Tippet